.
On est habitué au caractère par essence scandaleux de l’art dit « contemporain », puisque la valeur de cet art sur le marché se mesure à son taux de provocation, de subversion, d’absurde, d’abjection, de transgression de toutes les lois et règles tant éthiques qu’esthétiques….Autant d’ingrédients boostant la médiatisation, donc la notoriété, donc le prix sur le marché (c’est aussi bête que ça)… Citons par exemple le plug anal de Mac Carthy, les mannequins d’enfants pendus de Cattelan, les homards de Koons, les poteaux de Buren, le coup de boule d’Abdessemed, etc, etc…
Mais on reste , avec ces exemples, dans le registre du scandale coutumier, tellement répétitif qu’on s’y habitue et qu’il en perd son aspect foncièrement scandaleux.
Mais avec cette juxtaposition des Christs en fil de fer barbelé d’Abdessemed et du Retable de Grünewald, on passe , je crois, dans un au-delà du scandale, dans un scandale multiplié par lui-même, dans un méta-scandale.
On n’y crois pas, on se frotte les yeux, on pense à un fake, à une grossière plaisanterie…et bien non : c’est bien une réalité que nous ont concoctée les Aillagon et Pinault dans une de ces mixtures d’intérêts privés-publics dont ils ont la spécialité. C’est un virtuose de l’exercice, le sieur Aillagon, ex-ministre de la Culture, puis conseiller de François Pinault puis Directeur du Château de Versailles, et qui se vante d’avoir, par un simple coup de fil, obtenu l’autorisation de la Conservatrice terrorisée du Musée d’UNterlinden, pour suspendre les fils de fer barbelés de l’artiste Abdessemed, poulain de Pinault, auprès du retable d’Issenhein à l’occasion du cinq-centenaire de cette œuvre sacrée..
Personne n’a jamais eu l’ahurissant culot de commettre un tel sacrilège. Picasso, Braque, Courbet auraient été furieux qu’on leur propose de se prêter à ce genre de confrontation grotesque…Mais pour le petit Abdessemed, pure excrétion du systême bureaucratico financier pinalto-aillagonesque, pas de problème, aucune honte, aucune vergogne.. d’être l’acteur de cette ignominie indépasssable, de cette injure majeure à l’image du Christ et à cette œuvre sacrée patrimoine de l’humanité qu’est le Retable d’Issenheim.
Comment a-t-on pu en arriver à ce niveau d’impudence et d’irrespect imbécile? De quel droit ces Aillagon et Pinault peuvent-ils se permettre cela ? D’où tiennent-ils ce pouvoir ? Ne sentent-ils pas ce qu’il y a d’odieux d’accoler les petites débilités pseudo-religieuses d’Abdessemed à ce trésor de l’humanité ?
On a compris bien sûr que ce parasitage d’un chef-d’œuvre historique permettait valoriser financièrement ces misérables œuvres sur le marché du financial-art…
Mais ce que l’on comprend moins, c’est qu’on ne puisse pas activer certaines dispositions juridiques qui permettraient de sanctionner et punir ce type d’opération de détournement de patrimoine public et de conflit d’intérêts.
Ce que l’on comprend encore moins c’est le mutisme de la critique d’art française devant cette ignominie, montrant son étonnant asservissement aux réseaux de l’art financier et/ou institutionnel.
.
.
Un perroquet, des tulipes et la culture à Paris selon Christophe Girard. (ici)