La pissoire de Duchamp est-elle ou non l’œuvre de celui-ci ! Avant-propos Nicole Esterolle (Billet d’humeur)

 

Pissoire Dieu
Pissoire Mao

 

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La pissoire de Duchamp est-elle ou non l’œuvre de celui-ci !

Avant-propos Nicole Esterolle

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La question est d’importance, car il en va du dogme fondateur de l’art dit contemporain et de la géo-politique planétaire de celui-ci.

1 – Coup de tonnerre dans PAF (Paysage artistique Français ) en 2014 : la fameuse pissoire ne serait donc pas de Marcel Duchamp, mais de son excellente et très foutraque copine la baronne Elsa von Freytag-Loringhoven, qui aurait fait aussi l’œuvre intitulée « Dieu »(première image jointe) avant de se suicider quelques années après. Importante nouvelle en effet, car avec cette petite d’imposture :

– C’est un énorme système qui s ’effondre par la destruction de sa clef de voûte, de la colonne vertébrale de la pensée artistique d’Etat, et de l’équilibre mental de centaines de fonctionnaires de l’art contemporain.

– Ce sont des dizaines de post- copies numérotées et signées du prophète, qui ne valent guère plus, chez Sothebie’s ou Christies, que le prix de leur achat chez Leroy-Merlin

– C’est l’acte de martelage et compissage de notre ami Pinoncelli qui perd de sa valeur symbolique (on comprend d’ailleurs mieux pourquoi, Pinoncelli ayant , lors d’une rencontre à NY, annoncé à Duchamp son projet d’intervention sur la « Fountain », le maître lui aurait dit « faites ce que vous voulez! » )

– Ce sont les arguments : « pas d’amalgame, ne pas confondre Duchamp avec ses épigones » et « ne jetez pas le bébé avec l’eau de la pissoire », qui ne sont plus opératoires dans la bouche de la bien-pensance duchampo-gauchiste.

– C’est l’image de l’art français en Chine qui en prend un sacré coup, compte-tenu ( photo jointe) de l’intérêt tout fraternel que le Président Mao portait, au temps de sa révolution culturelle, à ce symbole de la révolution artistique duchampienne concommitente.

– C’est enfin une bonne moitié des critiques d’art membres de l’AICA, qui sont complétement déboussolés, traumatisés et vont avoir besoin d’un sérieux accompagnement psychologique…

Car selon wikipedia,je cite : « certaines sources tendent à démontrer que la fantasque baronne serait l’auteure de l’oeuvre d’art « Fountain », attribuée Marcel, même si celui-ci a toujours maintenu qu’il avait acheté l’urinoir au magasin J. L. Mott à New-York…. Or, il est établi que ce magasin ne vendait pas ce modèle particulier d’urinoir…Et qu’en outre, le 11 avril 1917, soit deux jours après le rejet de l’œuvre, Duchamp écrivit à sa sœur Suzanne Duchamp, à l’époque infirmière de guerre à Paris, que l’une de ses amies avait envoyé un urinoir en guise de sculpture et sous le nom de R. Mutt… »

Rappelons aussi que cette affaire va devenir mondiale, car il existe 17 exemplaires de Fountain connus de cette édition produite par Arturo Schwarz en 1964…. Dont ces huit exemplaires datés, signés, numérotés par Duchamp lui-même:

• 1/8 San Francisco, San Francisco Museum of Modern Art (achat grâce à un don de Phyllis Wattis, 1998).

• 2/8 Londres, Tate Modern (Purchased with assistance from the Friends of the Tate Gallery, 1999).

• 3/8 Ottawa, National Art Gallery of Canada / Musée des Beaux-arts du Canada (achat, 1971).

• 4/8 Bel Air, CA, Collection privée (acquis auprès de Gagosian Gallery, New York, 2002).

• 5/8 Athènes, Dimitri Daskalopoulos Collection42.

• 6/8 Kyoto, The National Museum of Modern Art (achat en 1987 auprès d’Arturo Schwarz).

• 7/8 Paris, Musée Maillol, Fondation Dina Vierny (date et modalités d’acquisition inconnues).

• 8/8 Bloomington, Indiana University Art Museum (Partial gift to the IUAM, 1971).

 

2 – Fausse alerte, selon Nathalie Heinich…

 

« Je suis assez dubitative sur cette assertion, pour les raisons suivantes:

1) Duchamp était un grand farceur, et s’amusait à se transformer en femme: la fameuse « Rrose Sélavy ». Le « une amie » peut fort bien renvoyer à son double féminin.

2) Si c’est bien la baronne qui a « envoyé » l’urinoir au Salon, comme le dit la lettre à Suzanne, rien ne dit que ce n’est pas Duchamp qui a imaginé le coup: en tant que co-organisateur du Salon il ne pouvait pas apporter l’objet lui-même sans biaiser l’expérience. La baronne, dans ce cas, n’aurait été que sa complice.

3) Duchamp avait déjà produit ses readymade et, surtout, leur concept, dont Fountain est une déclinaison – la nouveauté étant que pour la première fois il tente d’intégrer l’objet dans le monde de l’art. Il y a donc une continuité logique – ce qui n’est pas le cas avec la baronne, qui a produit des objets fantasques mais pas de readymade.

4) Même dans le cas où l’idée et la réalisation seraient de la baronne, il reste une dimension fondamentale de l’opération: la photo de Stieglitz et le texte anonyme publiés dans The Blind Man, à l’initiative de Duchamp, comme cela a été établi par les biographes de l’un et de l’autre. Car une oeuvre conceptuelle ne réside pas dans l’objet mais dans l’ensemble des opérations destinées à faire exister cet objet dans le monde de l’art (voir mon Paradigme de l’art contemporain). Au mieux, donc, la baronne aurait eu l’idée de présenter l’urinoir et l’aurait elle-même signé, et on en serait resté au canular sans conséquences. Mais être l’auteur d’un canular (ce qui n’est même pas établi) n’est pas être l’auteur d’une oeuvre dûment constituée comme telle dans l’histoire de l’art – et c’est là toute l’intelligence de Duchamp, qui donc est décidément l’auteur de l’oeuvre conceptuelle, quelle que soit l’identité de la personne qui l’a apportée au Salon.

La lutte contre l’invisibilisation de la pensée des femmes est importante, mais soyons vigilants face à des accusations qui reposent parfois sur l’inculture de ceux qui les portent. » Nathalie Heinich

Mais qu’à cela ne tienne, il semble plausible que l’urinoir soit bien de la baronne, puisque son concept-même s’articule bien avec celui du bidule à siphon et tuyau de plomb, qu’elle a intitulé « Dieu »…et dans une approche métaphysique, autant scatologique qu’eschatologique, des excrétions humaines…

On n’en a donc pas fini avec ce fléau du duchampisme comme trou sans fond pour la pensée qui s’y aventure.

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Duchamp aurait-il volé sa Fontaine ? (ici)

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